Les Snats

Bureau d'études Faune Flore

Notes sur une espèce méconnue des savanes africaines : Pyxicephalus edulis Peters, 1854 (Ranidae)

Auteur : Marc Carrière (août 2000)

Résumé

Lors d’une récente mission au Sud-Est du Tchad (A.I.R.E., 2000), diverses observations de Pyxicephalus edulis ont été effectuées en différents points du Parc National de Zakouma.
Après examen de la bibliographie relative à ce taxon, ces observations semblent constituer la première mention de cette espèce pour le Tchad.

La localisation des observations et une brève description des habitats sont indiquées, après un rappel sur la systématique et la répartition de cette espèce en Afrique.

Systématique et répartition de Pyxicephalus edulis en Afrique

Pyxicephalus edulis PETERS, 1854, a longtemps été confondue avec Pyxicephalus adspersus TSCHUDI, 1838, puis considérée comme une sous-espèce de cette dernière (PARRY, 1982), jusqu’aux travaux récents de CHANNING et al. (1994).

Selon l’excellente synthèse publiée récemment par RÖDEL (2000), toutes les mentions anciennes de P. adspersus, pour la partie nord-occidentale de son aire, seraient en fait à rapporter à P. edulis. Ce même auteur signale cependant que les P. edulis de l’Afrique de l’Ouest pourraient être spécifiquement différents de ceux d’Afrique australe.
Sur la base des données relevées dans la littérature par RÖDEL (2000), on peut donc proposer l’esquisse de répartition suivante :

Répartition de P. edulis en Afrique (adaptée d'après RÖDEL, 2000)

Répartition de P. edulis en Afrique (adaptée d’après RÖDEL, 2000)

Une grenouille facile à reconnaître mais difficile à voir

Cette grenouille de forme et de coloration variable est reconnaissable par sa silhouette massive et très compacte, ses yeux proéminents placés très haut, l’aspect verruqueux de sa peau, et la présence de bourrelets dorso-latéraux interrompus. Une tache temporale blanche est normalement visible en toutes saisons.

La coloration varie selon les individus, allant d’un vert jaunâtre pâle uniforme, à un vert foncé plus ou moins entrecoupé de macules sombres. Une ligne vertébrale très claire est bien visible en période de reproduction.
Cette grenouille est difficile à observer en dehors de la saison des pluies (LAMOTTE & XAVIER, 1981, PERRET, 1966), car elle passe la majeure partie de l’année enterrée dans le sol, à l’abri d’un cocon, ce qui lui permet de réduire considérablement ses pertes en eau (LOVERIDGE & GRAYE, 1979).

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Pyxicephalus edulis (région de Kaédi, Mauritanie: octobre 1986)

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Pyxicephalus edulis (parc de Zakouma, sud-est du Tchad, mai 2000)

Observations concernant le Tchad

Lors d’une récente mission au Sud-Est du Tchad (A.I.R.E., 2000), plusieurs observations de Pyxicephalus edulis ont été effectuées au sein du Parc National de Zakouma (carte 2), dans une zone comprise approximativement entre 10° 30′ et 10° 50 N, et 19° 50′ et 20° 05′ E.

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Carte 2: localisation des observations de Pyxicephalus edulis au Tchad

Les contacts (visuels et auditifs) avec cette espèce indiquent que Pyxicephalus edulis est bien répartie sur l’ensemble du Parc, où elle semble occuper préférentiellement les milieux aquatiques temporaires peu profonds et de petites tailles: flaques, ornières, et surtout souilles de Phacochères (Phacochoerus aethiopicus), particulièrement abondants dans le Parc de Zakouma.

Sur la base des données bibliographiques disponibles (cf. en particulier RÖDEL, 2000), ces observations constituent la première mention de Pyxicephalus edulis pour le Tchad. Le statut de conservation de cette espèce, à l’échelle de l’Afrique nord-tropicale, reste peu connu. Pour l’Afrique de l’Ouest, celle-ci n’a été notée qu’au Cameroun et au Nigeria, où WALKER (1966) la considère comme une espèce rare.

Une autre observation personnelle de cette espèce, plus ancienne (octobre 1986), avait également été effectuée dans la région de Kaédi (carte 3), en Mauritanie, où elle ne semble pas avoir été mentionnée à ce jour.

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Carte 3: localisation des observations de Pyxicephalus edulis en Mauritanie

 

Bibliographie

A.I.R.E., 2000 – Interaction élevage – faune sauvage autour des aires protégées. Rapport de présentation. FFEM (Fonds Français pour l’Environnement Mondial), MAE (Ministère des Affaires Étrangères), Paris, juillet 2000: 38 p.

CHANNING A., DU PREEZ L., PASSMORE N., 1994 – Status, vocalization and breeding biology of two species of African Bullfrogs (Ranidae: Pyxicephalus). J. Zool., 234: 141-148.

LAMOTTE M., XAVIER F., 1981 – Amphibiens. In: DURAND J.R., LEVEQUE C. (éds.): « Flore et faune aquatique de l’Afrique sahélo-soudanienne », 2, ORSTOM, Paris, doc. techn. 45: 773-816.

LOVERIDGE J.P., GRAYE G., 1979 – Cocoon formation in two species of southern African frogs. S. Afr. J. Zool., 75: 18-20.

PARRY C.R., 1982 – A revision of southern African Pyxicephalus TSCHUDI (Anura: Ranidae). Anal. Natal. Mus., 25: 281-292.

PERRET J.L., 1966 – Les amphibiens du Cameroun. Zool. Jb. (Syst.), 8: 289-464.

RÖDEL M.O., 2000 – Herpetofauna of West African Savanna. Vol. 1. Amphibians of the West African Savanna. Chimaira ed., Frankfurt: 332 p.

WALKER B., 1966 – An uncommon frog, Pyxicephalus adspersus. Niger. Fld, 31: 177-180.

Photographies (Marc Carrière) :

photos 1 et 2: octobre 1986, environ de Kaédi, Mauritanie.

photos 3 : 19 mai 2000, Parc National de Zakouma, Tchad.